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Actualités octobre 2024: un fournisseur peut établir sa créance et exiger le paiement de son client récalcitrant, sur la base des seules factures émises par lui.

Actualités octobre 2024: un fournisseur peut établir sa créance et exiger le paiement de son client récalcitrant, sur la base des seules factures émises par lui.

 

 

 

 

  • Rappel

L’administration de la preuve est clef pour établir son bon droit. Et bien souvent, elle s’avère très exigeante. Mais dans certains cas, elle se trouve facilitée dans l’intérêt des entreprises. C’est notamment ce qui ressort ici d’un arrêt de la Cour de cassation du 26 juin 2024 (n°22-24.487) qui consacre la recevabilité d’éléments tels que des factures pour établir la réalité d’une créance.

Dans cette affaire, les faits étaient les suivants :

  • Monsieur K avait ouvert un compte client auprès de la société Rubis Avignon.
  • À la suite de plusieurs factures impayées, la société Rubis Avignon obtient une ordonnance d’injonction de payer. Cette dernière est contestée alors que Monsieur K se trouve en procédure de redressement judiciaire.
  • la Cour d’appel saisie juge que le fournisseur (Rubis Avignon) pouvait prouver la livraison de sa marchandise à son client en produisant des factures, des bons de livraison, ainsi qu’un relevé de compte-client, même si certains de ces documents n’étaient pas signés par le client.

 

  • Quels enseignements retenir de cette décision ?

Cette décision est intéressante en ce qu’elle opère une distinction entre les exigences requises pour prouver un « fait juridique » ou un « acte juridique » et consacre ainsi la possibilité pour un fournisseur d’établir sa créance, même à défaut de contrat formel signé.

Pour mémoire :

  • les actes juridiques doivent être prouvés par écrit sous signature privée si le montant excède 1 500€ ou si le montant est inférieur par tous moyens.
  • les faits juridiques, quant à eux, peuvent être prouvés par tous moyens. La liberté de la preuve prévaut ici.

En l’espèce, pour faire échec au paiement des sommes dues, le client débiteur soutenait que :

  • le fournisseur ne pouvait invoquer, pour prouver sa créance, un relevé de compte client et des factures établies par lui-même, et des bons de livraison qui ne comportaient pas tous la signature du client (en l’occurrence, seuls 5 sur 25 bons de livraison étaient revêtus de la signature du client) ….
  • ….et ce au motif qu’aux termes de l’article 1363 du code civil, « nul ne peut se constituer de titre à soi-même ». Selon le client, le fournisseur ne pouvait avoir gain de cause sur des éléments établis unilatéralement par lui.

La Cour d’appel saisie et la Cour de cassation ensuite rejettent cet argumentaire applicable à la seule administration de la preuve d’actes juridiques.

En l’espèce, il s’agissait de rapporter la preuve et d’établir la créance liée à des livraisons de fournitures, donc des faits juridiques. La Cour de cassation confirme que la preuve des faits juridiques, tels que la livraison, pouvait être apportée par tous éléments probants, même si ces documents étaient émis par la partie qui en tire avantage.

A noter tout de même le contexte spécifique de l’espèce qui expliquent aussi cette décision :

  • le sujet n’était pas de rapporter la preuve de l’existence d’un contrat entre les parties (« acte juridique ») laquelle n’était apparemment pas contestée ici;
  • les pratiques antérieures entre les parties confortaient la portée des éléments produits par le fournisseur, parmi lesquelles :
  • l’existence d’un compte-client ouvert par le client chez le fournisseur, certifié conforme en ses livres et attestant donc une relation commerciale régulière ;
  • la prise de possession habituelle des marchandises par simple retrait par le client, sans que cela donne lieu à l’émission de réserves ; 
  • le règlement antérieur de factures émises dans des conditions similaires, sans que tous les bons de livraison aient été signés par le client destinataire.

 

  • Recommandations pratiques

A défaut de contrat formel signé et pour établir un « fait juridique », il est impératif de conserver a minima l’intégralité des documents et éléments matérialisant l’existence du fait juridique en question : factures, bons de livraison, courriels et traces écrites des échanges quels qu’ils soient.

Même si ces documents ne comportent pas toujours une signature formelle, ils peuvent néanmoins avoir une valeur et une force probantes pour établir un fait juridique (tel qu’une livraison) et la réalité d’une créance, à condition toutefois qu’ils s’inscrivent dans un contexte d'échanges récurrents et non contestés et sous réserve, comme toujours, de l’appréciation souveraine des juges.

 

Sarah Temple-Boyer                                                                                    Camille Morel

Avocat                                                                                                                 Stagiaire

Publié le 09/10/2024