Menu

Actualités janvier 2024 : Faut-il nécessairement adresser une mise en demeure préalable avant de rompre un contrat ?

Actualités janvier 2024 : Faut-il nécessairement adresser une mise en demeure préalable avant de rompre un contrat ?

 

 

  • Rappel :

Aux termes de l’article 1224, prendre l’initiative d’une rupture de contrat – sans engager sa responsabilité – suppose :

  • soit le respect d’une clause résolutoire dans le contrat, rédigée de la manière la plus claire et précise possible (c’est toujours la voie à privilégier) 
  • soit, et ce n’est pas exclusif de la clause résolutoire, une notification préalable au débiteur de d’avoir à se conformer dans un délai raisonnable, en cas d’inexécution suffisamment grave, à l’ l’obligation inexécutée ou mal exécutée, ,
  • soit encore une décision de justice validant une telle résolution (cette troisième voie étant à éviter au vu des délais et de l’aléa judiciaire qu’elle implique).

Pour ce qui est de la seconde voie de résolution précitée, l’article 1226 du code civil (i) exige, sauf urgence, de la partie prenant l’initiative de la rupture qu’elle mette préalablement son cocontractant en demeure de s’exécuter, (ii) et précise que c’est seulement en cas d’inexécution persistante par le débiteur que le créancier de l’obligation pourra mettre fin au contrat.

 L’article 1226 en soulignant le risque que représente cette voie de résolution pour le créancier (la notification étant faite « à ses risques et périls ») fait de la mise en demeure préalable un « passage obligé », hormis en cas d’urgence.

Un arrêt bienvenu de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 18 octobre 2023 consacre la possibilité de résilier le contrat sans mise en demeure préalable, dans d’autres cas que celui de l’urgence.

  • Que faut-il retenir de la décision de la Cour de cassation ?

Dans l’affaire soumise à la Cour Suprême, l’une des parties avait notifié, sans envoi d’une mise en demeure préalable, la résolution d’un contrat en raison des propos insultants et méprisants que le dirigeant de la société contractante avait tenus à l'égard de l'un des collaborateurs de la société auteur de la rupture.  

La société victime de la résolution du contrat avait contesté les conditions de la rupture, en relevant, au visa de l’article 1226 du code civil, le défaut de mise en demeure préalable.

La Cour de cassation, dans l’arrêt précité, s’éloigne de la lettre des articles 1224 et 1226 du Code civil et ajoute explicitement une nouvelle dérogation (outre l’urgence) à l’exigence d’une notification préalable, considérant que, dans certaines circonstances comme en l’espèce, la mise en demeure n’a pas à être délivrée :

 - « lorsqu'il résulte des circonstances qu'elle est vaine »

-  dès lors que le comportement du dirigeant de la société cocontractante est « d'une gravité telle » qu'il rend « manifestement impossible la poursuite des relations contractuelles ».

  • Quels enseignements en pratique ?

Dans les cas où aucune clause résolutoire n’est pas prévue au contrat ou que sa rédaction imprécise empêche sa mise en œuvre, il est désormais possible (sous réserve de faits d’une gravité suffisante), pour un contractant de prendre l’initiative d’une rupture contractuelle, sans avoir à notifier une mise en demeure préalable ; et ce, lorsque l’urgence de la situation le requiert ou encore, lorsque le comportement fautif du cocontractant rend de facto vaine toute mise en demeure et impossible le maintien des relations contractuelles.

 

Par Sarah Temple-Boyer                                                                                    Jessica Pereira Quaresma

Avocat                                                                                                                   Stagiaire

Publié le 22/01/2024