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La nouvelle Autorité de la concurrence à compter du 1er janvier 2009 (Décembre 2008)

La nouvelle Autorité de la concurrence à compter du 1er janvier 2009 (Décembre 2008)

La nouvelle Autorité de concurrence, créée par l’article 95 de la Loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie (loi « LME »), se voit enfin dotée, aux termes de l’ordonnance n°2008-1161 du 13 novembre 2008, de compétences élargies et de moyens accrus en matière de contrôle des pratiques anticoncurrentielles.

Déjà censée, aux termes de la LME, se substituer au Ministre de l’Economie pour le contrôle interne des concentrations et pour rendre les décisions d’autorisations ou d’interdictions correspondantes (cf. article « la concurrence comme levier de la croissance dans le projet de loi de modernisation de l’économie » – E-newsletter de juin 2008), la nouvelle Autorité de la concurrence est investie, par l’ordonnance, de pouvoirs plus étendus que le Conseil de la concurrence qu’elle remplace (1), ce qui ne préjudicie pas aux droits de la défense des personnes faisant l’objet de visites et saisies lesquels se trouvent, par ailleurs, améliorés (2).

1. Pouvoirs et compétences de la nouvelle Autorité de la concurrence

a) Le renforcement des pouvoirs de l’Autorité de la concurrence à l’égard du Ministre chargé de l’Economie

Depuis longtemps, le système français de régulation de la concurrence, organisé de manière bicéphale entre le ministre chargé de l’Economie et le Conseil de la concurrence concentrait toutes les critiques, notamment en comparaison du modèle en vigueur partout ailleurs en Europe. Il faut dire que le régime national réservait la part belle de l’examen et du contrôle des questions de concurrence au pouvoir exécutif dont l’appréciation se fonde le plus souvent sur des considérations moins juridiques ou économiques que politiques. La réforme initiée par la loi LME opère enfin les changements tant souhaités par les cercles autorisés et institue enfin une autorité indépendante de la concurrence dotée de véritables pouvoirs de contrôle.

Le contrôle des concentrations est réservé à l’Autorité de la concurrence

La loi LME confie, à titre principal, à la nouvelle Autorité de la concurrence l’examen de toutes les demandes d’autorisation des concentrations qui était dévolu jusqu’à présent au ministre de l’Economie lequel sollicitait seulement le Conseil de la concurrence pour avis.

Désormais, la nouvelle Autorité de la concurrence statuera seule sur les opérations de concentration qui lui seront notifiées et décidera notamment, en fonction du bilan concurrentiel, de leur autorisation ou des engagements éventuels à prendre par les entreprises concernées. Le ministre chargé de l’Economie gardera seulement la possibilité de s’écarter de la position prise par l’Autorité en adoptant une décision motivée par des raisons d’intérêt général extérieures à la concurrence.

Les questions de concurrence de portée nationale sont réservées en priorité à l’Autorité de la concurrence

De manière à réserver à la nouvelle Autorité de la concurrence l’examen des questions complexes de portée nationale, l’article 2 – XIII de l’ordonnance instaure un pouvoir d’injonction et de transaction au profit du ministre chargé de l’Economie pour traiter les pratiques anticoncurrentielles de portée locale. Ces mesures d’injonction et de transaction ne peuvent néanmoins concerner que :

  • les pratiques ne s’assimilant ni à des ententes illicites, ni à des abus de position dominante ;
  • les entreprises réalisant individuellement un chiffre d’affaires n’excédant pas 50 millions d’euros et 100 millions pour l’ensemble des participants aux pratiques illicites.

Le ministre chargé de l’Economie ne peut proposer aux entreprises parties à la pratique illicite une transaction qu’à hauteur d’un montant maximum de 75.000 euros (ou 5% du dernier chiffre d’affaires connu en France si cette valeur est plus faible). En tout état de cause, les mesures d’injonction et de transaction sont exclues dans l’hypothèse où les pratiques reprochées ont déjà fait l’objet d’une saisine de l’Autorité de la concurrence.

b) L’Autorité de la concurrence dispose désormais de moyens accrus en matière d’enquêtes et d’investigations

L’affectation d’agents et d’enquêteurs au service de la nouvelle Autorité

Jusqu’alors, le Conseil de la concurrence avait pour mission de traquer les pratiques anticoncurrentielles, notamment d’ententes sur les prix et de partage des marchés, mais ne disposait pas d’enquêteurs à cet effet. Il instruisait les affaires transmises par les agents de la Direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes (DGCCRF), l’une des directions du ministère de l’Economie et des Finances.

La nouvelle Autorité est investie des mêmes missions que le Conseil de la concurrence mais dispose désormais d’un véritable service d’investigation intégré composé (i) d’enquêteurs de la DGCCRF dédiés jusque-là aux enquêtes d’importance nationale et (ii) d’actuels rapporteurs du Conseil de la concurrence, pour réaliser de sa propre initiative des investigations et enquêtes.

L’information systématique de la nouvelle Autorité concernant les saisies et visites diligentées par le Ministre chargé de l’Economie

Aux termes du nouvel article L.450-5 du Code de commerce (tel que modifié par l’ordonnance n°2008-1161), le rapporteur général de l’Autorité de la concurrence doit être informé, avant leur déclenchement, des investigations que souhaite diligenter le ministre chargé de l’Economie. Il peut décider, dans un délai fixé par décret, d’en prendre la direction ou de laisser la DGCCRF réaliser l’enquête notamment sur les pratiques ayant une portée locale.

Le rapporteur général est ensuite informé sans délai du résultat des investigations menées par les agents de la DGCCRF et peut proposer à l’Autorité de se saisir d’office, s’il l’estime nécessaire.

L’Autorité de la concurrence a la possibilité de sanctionner les entreprises qui commettent des actes d’obstruction au déroulement des enquêtes et instructions engagées par l’Autorité.

Si une entreprise ne défère pas à une convocation ou ne répond pas dans le délai prescrit à une demande de renseignements formulée par un agent, l’Autorité de la concurrence peut, aux termes de l’article L.464-2 4° V du Code de commerce, prononcer à son encontre une injonction assortie d’une astreinte.

En outre, en cas d’obstruction par l’entreprise à l’investigation ou à l’instruction (notamment en fournissant des renseignements inexacts ou incomplets), l’Autorité de la concurrence peut, après avoir entendu l’entreprise intéressée, lui infliger une sanction pécuniaire dont le montant maximum ne pourra toutefois excéder 1% du montant du chiffre d’affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d’un des exercices clos depuis l’exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre.

c) L’Autorité de la concurrence peut s’autosaisir de toute question de concurrence et formuler toutes recommandations utiles au ministre chargé de l’Economie

Aux termes du nouvel article L.462-5-I tel que modifié par l’ordonnance n°2008-1161, l’Autorité de la concurrence peut être saisie par le ministre chargé de l’économie ou par toute entreprise ou organisme de toute pratique anticoncurrentielle constatée sur le marché ; mais l’Autorité de la concurrence peut également, sur proposition du rapporteur général, se saisir d’office des pratiques susmentionnées.

Aux termes de l’article L.462-4 nouveau du Code de commerce, « l’Autorité de la concurrence peut prendre l’initiative de donner son avis sur toute question concernant la concurrence (…). Elle peut également recommander au ministre chargé de l’économie ou au ministre chargé du secteur concerné de mettre en œuvre les mesures nécessaires à l’amélioration du fonctionnement concurrentiel des marchés ».

2. Les droits de la défense également renforcés par l’Ordonnance du 13 novembre 2008

a) La séparation des phases d’enquête / instruction de celle de décision

Les phases d’enquêtes sont confiées aux services d’instruction intégrés (paragraphe b ci-dessus) à l’Autorité de la concurrence et dirigés par un rapporteur général nommé par arrêté du ministre chargé de l’économie. Le rapporteur général ou le rapporteur général adjoint nommé par ce dernier instruit et adresse la notification de griefs relative aux pratiques anticoncurrentielles constatées à l’entreprise intéressée. La décision sera ensuite prise par l’Autorité de la concurrence en sa formation plénière ou alors par le président ou le vice-président concernant des faits dont l’Autorité de la concurrence est saisie par le ministre chargé de l’économie.

b) L’introduction du double recours à l’encontre des opérations de visites et saisies

L’article 1er de l’ordonnance (alinéa 6) introduit, d’une part, un recours en contestation de la légalité des ordonnances autorisant les visites et saisies devant le premier président de la Cour d’appel dans le ressort du juge ayant autorisé la visite ou la saisie. Jusqu’à présent, la personne visitée n’avait d’autre choix que de former un pourvoi en cassation pour contester la légalité de l’ordonnance et était donc privée, de fait, d’un degré de juridiction.

Les droits de la défense de la personne visitée s’en trouvent considérablement améliorés, sans qu’il soit d’ailleurs fait obligation de constituer avoué dans le cadre de ce nouveau recours.

L’introduction de ce recours devant le premier président de la Cour d’appel a été rendue nécessaire par la décision Ravon rendue par la Cour Européenne des Droits de l’Homme du 28 février 2008, par laquelle la France a été condamnée pour violation de la Convention Européenne des Droits de l’Homme en raison des garanties insuffisantes offertes jusque-là par le seul pourvoi en cassation contre l’ordonnance judiciaire d’autorisation de visite et saisie.

A ce recours en contestation de légalité est adjoint, d’autre part, un autre recours permettant de contester également devant le premier président de la Cour d’Appel le déroulement des opérations de visite ou saisie (article 1er dernier alinéa). Auparavant, la contestation du déroulement des opérations de visites et saisies pouvait seulement faire l’objet d’un recours auprès du juge les ayant autorisées dans un délai de deux mois suivant la notification de l’ordonnance (l’ordonnance rendue par suite par le juge n’étant susceptible que d’un pourvoi en cassation). Cette solution qui confiait au juge le soin de contrôler les opérations qu’il avait lui-même ordonnées méconnaissait clairement le principe de la séparation des fonctions « poursuivre », « instruire » et « juger ». Le recours devant le premier président de la Cour d’appel est, sans conteste, une amélioration certaine des droits de la défense.

Il pourra également être observé qu’à l’occasion des opérations de visite et de saisie, l’ordonnance reconnaît expressément aux personnes visitées de droit de faire appel à un conseil de leur choix (article L.450-4 du Code de commerce, cinquième aliéna, deuxième phrase).

Tout en conférant davantage de pouvoirs à la nouvelle Autorité de la concurrence, la loi LME et l’ordonnance du 13 novembre 2008 n’en oublient pas moins les droits de la défense, ce qui a été unanimement salué par les avocats et conseils d’entreprises. Le double recours institué par l’ordonnance garantit notamment que la contestation du déroulement des opérations de visites et de saisies soit examinée par le premier président de la Cour d’appel dont l’œil sera probablement plus objectif que celui du juge ayant autorisé le déclenchement de ces mêmes opérations. Reste à espérer qu’en pratique le premier président de la Cour d’appel dispose du temps et des moyens nécessaires pour mener à bien cette nouvelle mission. 

 

Publié le 20/08/2015